L’enseignement efficace de l’écriture – Connaissances et habiletés

Selon Lebrun et Lacelle (2016), l’enseignement intégré des compétences en lecture et en écriture favorise une meilleure compréhension des textes et un développement des habiletés d’écriture. Ces contributions augmentent lorsque les élèves réinvestissent rapidement leurs apprentissages dans des situations significatives et authentiques. Ainsi, un réinvestissement rapide des nouvelles habiletésHabileté : « objet d’apprentissage qui se réfère à l’utilisation efficace de processus cognitif, affectif, moral, moteur, etc., relativement stables, dans la réalisation efficace d’une tâche ou d’un agir » (Legendre, 2005). et compétencesCompétence en pédagogie : « la capacité à mobiliser un ensemble intégré de connaissances, d’habiletés et d’attitudes en vue d’accomplir une opération, d’exécuter un mouvement, de pratiquer une activité, d’exercer une fonction, de s’acquitter d’une tâche ou de réaliser un travail à un niveau de performance prédéterminé en fonction d’attentes fixées et de résultats désirés ou en vue de l’accès à des études supérieures » (Legendre, 2005). dans d’autres contextes maximise l’engagement et les apprentissages en profondeur des élèves.
Langue et diversité : l’écriture en milieu francophone minoritaire
L’apprentissage dans un contexte francophone minoritaire offre une occasion unique d’utiliser l’écriture comme un outil pour valoriser et donner vie à la langue française. Les écoles jouent un rôle essentiel dans la promotion de la diversité culturelle et linguistique du français en milieu minoritaire. Alors que certaines et certains élèves arrivent à l’école en parlant d’autres langues, les enseignantes et enseignants peuvent mettre à profit des stratégies découlant d’une approche plurilingue pour développer et renforcer plusieurs langues à la fois, en mettant l’accent sur le français. Cette approche aide non seulement à créer un lien profond avec la langue française, mais aussi à enrichir le répertoire linguistique des élèves.
Ces constats reflètent une réalité observée dans d’autres contextes francophones en milieu minoritaire au Canada. Le contexte sociolinguistique dans lequel évoluent les élèves des écoles de langue française a une influence notable sur le développement de leurs compétences langagières. Dans plusieurs cas, les élèves arrivent à l’école avec une connaissance limitée de la langue de scolarisation. De plus, dans certaines communautés, l’exposition à la langue française en dehors de l’école reste faible tout au long de leur parcours scolaire, ce qui renforce l’importance de considérer la langue française comme un objet de réflexion, d’analyse et d’échange.
L’intégration des perspectives autochtones dans l’enseignement de l’écriture pour valoriser la diversité culturelle et renforcer le respect, l’inclusion et l’apprentissage

L’intégration des perspectives autochtones dans l’enseignement de l’écriture est essentielle pour valoriser la diversité culturelle et les traditions des peuples autochtones tout en enrichissant l’expérience d’apprentissage de toutes et de tous les élèves. En incorporant les récits traditionnels, la langue et les valeurs autochtones dans les pratiques pédagogiques, le personnel enseignant favorise non seulement le respect et l’inclusion, mais aussi un apprentissage profondément enraciné dans l’histoire et les réalités culturelles des Premières Nations, des Métis et des Inuit. En ce sens, il est essentiel d’intégrer :
- des savoirs autochtones dans les activités d’écriture pour améliorer la réussite scolaire des élèves autochtones, mais aussi pour enrichir l’expérience des élèves non autochtones en leur offrant une perspective plus complète et inclusive de l’histoire et de la culture canadienne. Par exemple, on peut introduire la roue de médecine, un enseignement sacré dans de nombreuses cultures autochtones en Amérique du Nord. La roue de médecine représente les quatre directions (Est, Sud, Ouest, Nord) et relie chaque direction aux saisons, aux étapes de la vie et aux qualités humaines, telles que la sagesse et la force. En utilisant la roue de médecine, les élèves peuvent explorer la signification des cycles naturels et culturels, puis rédiger des textes personnels ou poétiques qui s’inspirent de ces thèmes pour exprimer leur propre croissance et leurs relations avec le monde;
- des langues autochtones dans les activités d’écriture pour contribuer à la préservation de cet héritage culturelHéritage culturel : l’ensemble des valeurs, des traditions, des croyances, des pratiques, des langues, des arts et des savoirs transmis de génération en génération au sein d’une communauté ou d’une société. Il englobe à la fois les éléments matériels, tels que les monuments, les œuvres d’art et les artefacts, ainsi que les éléments immatériels, comme les coutumes, les récits et les savoir-faire.;
- des valeurs autochtones, comme la connexion entre les êtres humains, la nature et la communauté, dans les activités d’écriture pour encourager les élèves à réfléchir à leur relation avec leur environnement;
- des perspectives autochtonesPerspectives autochtones : les points de vue, valeurs, croyances et savoirs des peuples autochtones basés sur leurs cultures, leurs traditions et leurs expériences historiques. Elles comprennent des notions de connexion à la terre, de respect de la nature, de collectivisme, de spiritualité et d’interconnexion entre les êtres humains et leur environnement. dans l’enseignement de l’écriture pour favoriser un environnement inclusif où l’on reconnaît et valorise les élèves autochtones. Par exemple, intégrer des récits oraux et des cercles de discussion en écriture donne l’occasion aux élèves de découvrir des traditions autochtones de transmission de savoirs. Les élèves peuvent écouter un récit d’une aînée ou d’un aîné ou visionner une vidéo sur une tradition autochtone, puis rédiger une réflexion personnelle ou un récit inspiré. Ces activités enrichissent leur écriture en valorisant des techniques narratives autochtones, comme le symbolisme ou la circularité des histoires, tout en favorisant le respect des différentes façons de transmettre et de préserver la culture.
Les composantes fondamentales pour un enseignement efficace de l’écriture
Les composantes fondamentales d’un enseignement efficace de l’écriture comprennent l’orthographe, la calligraphie et la rédaction de textes. Ces composantes regroupent les compétences linguistiques essentielles, soit la phonologie, le lexique orthographique et la morphosyntaxe. L’enseignement de ces trois composantes doit être explicite, progressif et adapté aux besoins des élèves pour favoriser leur développement en tant que scriptrices compétentes et scripteurs compétents.
Les défis des élèves débutantes et débutants

Orthographe
L’orthographe est une composante essentielle dans le développement de l’écriture, surtout au cours des premières années scolaires. Selon Giasson (2003), l’enseignement explicite et progressif de l’orthographe est indispensable pour aider les élèves à maîtriser les bases des correspondances entre les sons et les lettres ou le principe alphabétique. Ce principe est crucial pour soutenir à la fois le décodage en lecture et l’encodageEncodage : un processus par lequel une personne traduit ses pensées ou ses idées en langage écrit ou parlé en choisissant les structures, la syntaxe et les mots appropriés pour les exprimer de manière claire et compréhensible. en écriture, car il favorise chez les élèves la compréhension des relations entre les sons et les symboles graphiques.
L’approche systématique et explicite de l’enseignement de l’orthographe, recommandée dans le modèle pancanadien des stratégies d’écriture, est particulièrement efficace. Elle consiste à introduire progressivement les élèves à des concepts orthographiques simples, comme les correspondances phonétiques de base, pour ensuite évoluer vers des notions plus complexes, telles que les régularités morphologiquesRégularités morphologiques : des motifs ou règles systématiques qui régissent la formation et la structure des mots dans une langue. Elles comprennent les règles qui déterminent la façon dont les morphèmes (les unités de sens ou de forme) se combinent pour créer des mots et des formes grammaticales. et les règles d’accordRègles d’accord : des principes grammaticaux qui déterminent la façon dont les éléments d’une phrase doivent s’accorder entre eux en genre, en nombre ou en personne pour assurer la cohérence syntaxique et la concordance dans une langue.. Cela assure une compréhension approfondie des structures linguistiques qui régissent l’orthographe.
Source : Conseil des ministres de l’Éducation (Canada). (2008). Projet pancanadien de français langue première : guide pédagogique. Stratégies en lecture et en écriture (maternelle à la 12e année). Les Éditions de la Chenelière inc.
La pratique régulière et intensive de l’orthographe favorise aussi l’automatisation des processus d’écriture, notamment les activités répétitives et interactives, telles que des dictées (par exemple, la dictée négociée et la dictée zéro faute), des jeux orthographiques et l’analyse de mots, qui renforcent la maîtrise de l’orthographe chez les élèves débutantes et débutants. Ces activités contribuent à la consolidation de l’apprentissage des régularités phonologiquesRégularités phonologiques : des règles ou motifs récurrents dans l’organisation des sons d’une langue. Elles concernent la manière dont les sons (ou phonèmes) se combinent et se transforment en fonction de leur position dans un mot ou de l’influence des sons environnants. et morphologiques, tout en offrant aux élèves des occasions d’exercer l’écriture dans des contextes variés.
Un autre aspect essentiel de l’enseignement de l’orthographe est la gestion des irrégularités et des exceptions de la langue française. Les élèves doivent développer des stratégies pour aborder ces particularités, notamment par l’utilisation de référentiels, comme des listes de vérification. L’apprentissage dans un contexte minoritaire francophone offre également l’occasion de tirer parti des autres langues des élèves ou de la langue de la communauté, comme l’anglais. Selon les travaux de Cummins (2000), au fur et à mesure que les élèves développent leurs compétences dans une langue, elles et ils renforcent leurs compétences dans l’autre.
En somme, l’orthographe, en tant que processus évolutif, nécessite un enseignement explicite fondé sur le principe alphabétique et sur les régularités morphologiques. Une approche systématique appuyée par des activités pratiques contribue au développement des automatismes qui soutiendront les élèves tout au long de leur apprentissage de l’écriture.

Calligraphie
La calligraphie ou la graphomotricitéGraphomotricité : l’ensemble des compétences motrices impliquées dans l’acte d’écrire. Elle concerne la coordination et la précision des mouvements de la main et des doigts nécessaires pour tracer des lettres et des formes sur le papier. Cette habileté est un aspect essentiel de l’apprentissage de l’écriture chez l’enfant, et elle fait intervenir à la fois des capacités motrices fines (comme la tenue du crayon) et des compétences visuospatiales (comme l’orientation sur la feuille). est une composante clé dans le développement de l’écriture chez les jeunes élèves. L’écriture script (lettres détachées) et l’écriture cursive (lettres attachées) jouent chacune un rôle dans cet apprentissage : l’écriture script est souvent utilisée pour initier les élèves aux formes de lettres, faciliter la reconnaissance des caractères et favoriser la coordination œil-main, tandis que l’écriture cursive favorise la fluidité et la vitesse du geste, contribuant à une meilleure continuité dans l’écriture.
Les recherches du ministère de l’Éducation du Québec (2023) montrent que la pratique régulière de la calligraphie améliore la fluidité du geste, mais libère également des ressources cognitives précieuses pour les tâches plus élaborées en écriture, telles que la structuration des phrases et la pensée créative. Une étude de Feder et Majnemer (2007) a montré que les enfants ayant des difficultés graphomotricesDifficultés graphomotrices : des problèmes liés à l’écriture manuscrite, une activité complexe nécessitant la coordination des muscles de la main et du poignet, ainsi que des compétences visuospatiales. Ces difficultés peuvent se manifester par une écriture difficile à lire, des erreurs dans la formation des lettres, une écriture lente ou une sensation de fatigue rapide pendant l’écriture. sont souvent ralenties et ralentis dans leurs productions écrites, ce qui affecte la qualité de leur écriture ainsi que leur capacité à exprimer des idées complexes.
En intégrant dans l’apprentissage des exercices réguliers et des supports visuels adaptés, les élèves peuvent automatiser le geste d’écriture et se concentrer sur des tâches plus complexes, telles que l’organisation des idées et la rédaction.
La rédaction de textes
Le processus d’écriture est un outil essentiel pour développer les habiletés de la compétence portant sur la pensée critique chez les élèves. La pensée critique aide les élèves à analyser, à interpréter, à évaluer et à synthétiser l’information, à prendre des décisions éclairées et à résoudre des problèmes. Le modèle de Fitzgerald et Shanahan (2000) introduit l’écriture comme un processus itératif comprenant quatre étapes clés : la planification, la rédaction, la révision et la publication.
Ce cadre aide les élèves à structurer leurs idées, à les développer et à les affiner pour produire des textes de qualité, tout en stimulant leur capacité à résoudre des problèmes et à penser de manière critique.

Adaptation du modèle de Fitzgerald, J. et Shanahan, T. (2000). Reading and Writing Relations and Their Development. Educational Psychologist, 35(1), 39–50.
Le tableau ci-dessous compare les modèles d’enseignement du processus d’écriture de quatre provinces canadiennes : l’Alberta, la Colombie-Britannique (ce même modèle aussi utilisé dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon), l’Ontario et le Québec. Chaque province adopte une approche par étapes comportant quelques variations spécifiques.
L’Ontario propose un modèle structuré et explicite du processus d’écriture dans le curriculum Français (2023). Ce modèle met en avant les étapes ci-dessous pour développer les compétences en rédaction des élèves :
- Planification et développement d’idées (D1) : Les élèves déterminent le sujet, l’intention et les destinataires de leurs textes. Elles et ils génèrent des idées en utilisant diverses stratégies (expériences vécues, apprentissages dans d’autres matières). L’inclusion et la diversité sont centrales. La collecte d’informations doit être pertinente et se faire au moyen de sources fiables.
- Rédaction des ébauches (D2) : Les élèves organisent leurs idées et rédigent une première version tout en utilisant des médias et des outils numériques. Elles et ils s’inspirent d’auteures et d’auteurs francophones et apprennent également à écrire en lettres cursives.
- Révision et correction (D2) : Les élèves révisent leur texte en tenant compte des rétroactions, puis améliorent le contenu, la clarté et la cohérence de celui-ci. Elles et ils corrigent aussi les erreurs d’orthographe et de grammaire en utilisant des outils numériques.
- Publication et présentation (D3) : Les élèves publient leurs textes en utilisant des outils adaptés et réfléchissent à l’impact des stratégies de communication sur différents publics.
Le Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) applique un processus similaire :
- Planification : Identification de l’intention et des idées principales soutenues par des organisateurs graphiques.
- Mise en texte : Rédaction du premier jet en se concentrant sur les idées plutôt que sur les erreurs.
- Révision : Révision du contenu pour améliorer la cohérence et la richesse du texte, souvent avec l’aide des pairs ou de la personne enseignante.
- Correction : Affinement du texte en corrigeant l’orthographe, la grammaire et la ponctuation.
- Mise au propre et diffusion : Communication du texte à un public cible pour renforcer l’importance de l’écriture authentique. Note : Le PFEQ met l’accent sur l’intégration des technologies pour enrichir chaque étape du processus.
Le nouveau programme-cadre de l’Alberta suit également ce cadre :
- Préparation et planification : Activation des connaissances antérieures et recherche des informations pertinentes.
- Mise en texte : Rédaction d’une ébauche qui découle de la planification et qui consiste à élaborer des idées.
- Révision : Évaluation du texte pour en améliorer la clarté et la pertinence.
- Correction : Affinement du texte en corrigeant les erreurs linguistiques.
- Publication et réflexion : Communication du travail final et réflexion sur le processus d’écriture.
Le programme d’études Français langue première de la Colombie-Britannique met l’accent sur le développement des compétences communicationnelles. Le processus est similaire :
- Planification : Les élèves déterminent l’objectif de leur écrit et génèrent des idées en réfléchissant aux différents aspects du sujet. Elles et ils planifient également la structure de leur texte.
- Brouillon : Les élèves rédigent une première version de leur texte. À cette étape, l’accent est mis sur le développement des idées et du contenu plutôt que sur la correction des erreurs.
- Correction : Les élèves se concentrent sur les aspects linguistiques de leur texte, tels que l’orthographe, la grammaire et la ponctuation. Cette étape vise à améliorer la qualité du texte.
- Rédaction : Les élèves finalisent leur texte en y incorporant les corrections et les améliorations apportées lors des étapes précédentes. Elles et ils soignent la présentation de leur texte pour qu’il soit prêt à être communiqué.
- Révision : Les élèves examinent leur texte pour s’assurer de sa clarté, de sa cohérence et de son adéquation à l’intention de communication. Elles et ils y apportent des modifications pour renforcer son impact.
- Publication : Les élèves communiquent leur texte terminé à un public. Cette étape peut comprendre la présentation orale, l’affichage en salle de classe ou la publication en ligne, ce qui renforce l’importance de l’écriture authentique.
Les autres provinces utilisent des modèles similaires. Dans les territoires, le processus d’écriture est influencé par les besoins culturels et linguistiques locaux. Au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest, par exemple, des programmes comme Dene Kede et Inuuqatigiit intègrent les perspectives autochtones. Le processus d’écriture classique est suivi, mais comporte des adaptations pour tenir compte des langues autochtones et des besoins des communautés.
L’enseignement explicite du processus d’écriture

Des études, telles que celles de Graham et de Harris (2018) et celle de Troia (2014), ont mis en avant l’importance de l’enseignement explicite du processus d’écriture. Ces recherches montrent, encore aujourd’hui, que lorsque les élèves sont guidées et guidés étape par étape, et reçoivent des rétroactions régulières, elles et ils sont plus susceptibles de développer des habiletés de réflexion critique et d’améliorer la qualité de leurs écrits. De plus, l’intégration d’outils numériques dans le processus d’écriture, tels que les traitements de texte, les logiciels d’écriture collaborative et les référentiels en ligne, facilite la révision et augmente l’engagement des élèves lorsqu’elles et ils les utilisent efficacement.
Conclusion

L’intégration simultanée des compétences en lecture et en écriture interreliées à la communication orale, comme mentionnée dans les travaux de Lebrun et de Lacelle (2016), offre une approche globale et interactive qui enrichit l’apprentissage des élèves. En appliquant les stratégies et les processus de lecture, d’écriture et de communication orale, les élèves apprennent à les réinvestir dans différents contextes et à maîtriser les structures textuelles. Ainsi, les élèves ne se limitent pas à comprendre et à produire des textes, mais développent également une capacité critique à analyser et à produire du contenu réfléchi et adapté aux environnements de communication multimodaux. Par le fait même, elles et ils développent l’autonomie, les habiletés et les compétences nécessaires en littératie comme fondement pour leur parcours scolaire.
L’intégration de ces compétences crée une synergie pédagogique qui reflète les réalités complexes de la communication contemporaine, ce qui renforce à la fois la compréhension et l’expression des élèves dans différents contextes.