Les stratégies pour le développement de l’orthographe

L’orthographe requiert des habiletés complexes qui nécessitent des activités cognitives, métacognitives et socioaffectives (Conseil des ministres de l’Éducation, 2008, pp. 55-66). Comme appui aux élèves, il est d’une grande importance d’enseigner explicitement des stratégies qui les guident dans les règles et les exceptions de la langue française. Le projet Rééducation orthopédagogique du langage écrit propose cinq stratégies principales fournissant aux élèves un cadre pour comprendre et appliquer ces règles tout au long de leur développement.
Selon le projet Rééducation orthopédagogique du langage écrit, ces cinq stratégies couvrent l’ensemble des habiletés nécessaires pour enseigner l’orthographe de manière systématique et progressive. De plus, elles aident les élèves à comprendre la régularité ou non-régularité dans la composition des phonèmes et des mots, à travailler les connaissances morphologiques et les notions et aspects visuels de l’orthographe. Un enseignement explicite et une pratique quotidienne de ces stratégies sont essentiels pour développer une maîtrise de l’orthographe de manière autonome chez les jeunes élèves.
En complément aux stratégies orthographiques, la grammaire nouvelle aide les élèves à saisir les règles en lien avec la structure des phrases et la morphologie des mots. Cette approche, qui met l’accent sur l’usage contextuel de la langue, pourrait être intégrée pour renforcer les connaissances syntaxiques et morphologiques, en particulier dans les activités de décomposition des mots et de compréhension des accords.
Des outils pour mémoriser les mots difficiles à orthographier

En utilisant des outils, comme les cartes de mots et les tableaux visuelsTableaux visuels : outils pédagogiques qui organisent et affichent de manière graphique des informations pour aider à la compréhension et à la mémorisation. Ils peuvent prendre la forme de tableaux, de grilles ou de diagrammes dans lesquels les mots, les images ou les concepts sont présentés de manière claire et structurée., les élèves peuvent progressivement construire leur lexique orthographique. De plus, l’intégration de cette stratégie dans un environnement numérique où sont proposés des exercices interactifs dans lesquels les élèves associent des mots visuellement similaires aide celles-ci et ceux-ci à renforcer leur mémoire visuelle et à faciliter l’apprentissage des mots difficiles.
Les travaux de Lacelle et de Lebrun (2016) soutiennent que les élèves doivent d’abord comprendre l’écriture numérique, c’est-à-dire les distinctions entre une rédaction écrite sur du papier et une rédaction écrite en ligne. Ensuite, l’apprentissage concret dans le cadre d’un enseignement explicite de certaines fonctionnalités propres au numérique doit porter, entre autres, sur la recherche par mots-clés/descripteurs, la communication bonifiée d’hyperliens et de vidéos ainsi que la représentation des informations à partager, soit une infographie ou un tableau interactif pour ne nommer que ceux-là.
Les travaux de Lefebvre (2023) rappellent que le numérique en littératie permet d’accéder à des outils d’aide technologiques, tels que des prédicteurs de mots, des réviseurs orthographiques et des logiciels de synthèse vocale. L’utilisation de ces outils doit toutefois faire état d’un enseignement structuré afin d’optimiser l’autonomie dans l’apprentissage.
La stratégie phonologique et alphabétique

L’enseignement des correspondances graphèmes-phonèmes (CGP) est crucial pour établir le lien entre les sons et les lettres, et sert de base au développement des compétences en orthographe et en lecture. En associant les phonèmes (unités sonores) et les graphèmes (représentations écrites), les élèves apprennent à déchiffrer de nouveaux mots, à orthographier correctement des mots réguliers et à appliquer les régularités orthographiques.
L’écriture exige des compétences spécifiques différentes de la lecture, dont :
- Production orthographique active : En écriture, les élèves ne se contentent pas de reconnaître les correspondances graphèmes-phonèmes, mais doivent les utiliser pour produire des mots, ce qui implique une mémoire active des associations. Contrairement à la lecture, où la correspondance aide à reconnaître les mots, l’écriture exige que les élèves choisissent et appliquent les bonnes correspondances de manière autonome.
- Mémorisation des régularités et exceptions orthographiques : L’écriture implique de maîtriser non seulement les règles phonographiquesPhonographique : orthographe basée sur la prononciation. Par exemple, la syllabe « nor » écriture : « nord », « nore », « nors », ou « naure ». de base, mais aussi les nombreuses exceptions propres à l’orthographe en français (par exemple, les lettres muettes, les doubles consonnes et les changements orthographiques pour des raisons morphologiques comme dans « petit » et « petite »).
- Stabilité des séquences orthographiques : En écriture, la stabilité des formes orthographiques est cruciale. Les élèves doivent mémoriser l’orthographe précise de mots pour éviter des erreurs liées aux variantes phonétiques. Par exemple, pour écrire « fin » ou « faim », il faut connaître la forme exacte malgré la même prononciation.
- Utilisation de repères visuels et moteurs :
En orthographe, la mémoire visuelle des mots (par exemple, forme globale des mots) ainsi que la mémoire kinesthésiqueMémoire kinesthésique : « La mémoire kinesthésique repose sur le mouvement, la manipulation et l’expérimentation. Elle s’active lorsque l’on écrit, mime, manipule des objets ou se déplace en apprenant. »?
Source : Mémoire kinesthésique : test, définition et méthodes. (2025). Bien enseigner. jouent un rôle important pour reproduire la séquence des lettres, ce qui n’est pas sollicité de la même manière en lecture.
Un enseignement explicite de ces correspondances aide les jeunes élèves à comprendre que chaque son dans un mot est représenté par une ou plusieurs lettres, ce qui facilite leur apprentissage de la lecture et de l’écriture.
Des recherches, comme celles d’Ehri (2014, cité dans Hipfner-Boucher et Chen, 2024), montrent que la cartographie orthographiqueCartographie orthographique : la manière dont les mots sont stockés dans la mémoire à long terme en fonction de leur orthographe. Cela comprend l’identification des lettres, des groupes de lettres et des formations de mots, ce qui facilite une lecture et une écriture rapides et automatiques. est essentielle pour l’acquisition de la lecture et de la mémoire orthographique, ainsi que pour l’apprentissage du vocabulaire. Ce processus d’encodage phonologique aide les élèves à mémoriser les mots comme unités visuelles et selon leur structure phonologique.
Apel (2011, cité par Hipfner-Boucher et Chen, 2024) approfondit le concept du savoir orthographique et le développement chez les jeunes enfants. L’orthographe implique non seulement la reconnaissance phonologique, mais aussi la capacité à comprendre et à mémoriser les régularités et les exceptions de la langue. Cette connaissance orthographique renforce les habiletés et compétences en écriture et en lecture en ancrant les mots dans la mémoire à long terme.
Mather et Jaffe (2021, cités par Hipfner-Boucher et Chen, 2024) soulignent que le développement de la mémoire orthographique, essentiel pour l’orthographe et la lecture rapide, repose sur un enseignement explicite des correspondances graphèmes-phonèmes (CGP) et une pratique régulière. Des outils, comme les cartes d’encodageCartes d’encodage : les outils pédagogiques utilisés pour aider à l’apprentissage des correspondances entre les sons et les lettres (ou groupes de lettres) dans le cadre de la lecture et de l’écriture. Les cartes d’encodage donnent l’occasion aux élèves d’exercer l’association entre les phonèmes (sons) et les graphèmes (représentations écrites des sons) afin de mieux comprendre la façon dont les mots sont construits et orthographiés., aident les élèves à décomposer les sons et à les associer aux lettres correspondantes, ce qui contribue à l’acquisition d’une orthographe précise et à une reconnaissance des mots pendant la lecture qui devient plus fluide. Ce constat s’avère bénéfique tout en favorisant un apprentissage dans une perspective d’inclusion.
La cartographie orthographique et l’apprentissage autodirigé
Les travaux de Cunningham, Nathan et Schmidt Raher (2010, cités par Hipfner-Boucher et Chen, 2024) montrent que la cartographie orthographique est cruciale pour développer chez les élèves la capacité à lire les mots de manière fluide et automatique. Cette habileté se développe par une exposition répétée des élèves à des mots dans divers contextes et par des exercices structurés de reconnaissance de mots. Les cartes d’encodage renforcent cette exposition des élèves à divers mots en leur offrant une pratique systématique des correspondances phonèmes-graphèmes.
En écriture, la cartographie orthographique comporte des exigences supplémentaires qui vont au-delà de la simple reconnaissance des mots :
- Production active de l’orthographe : En écriture, la cartographie orthographique va au-delà de la reconnaissance des mots. Les élèves doivent appliquer activement les correspondances phonème-graphème pour produire des mots, même ceux qui contiennent des exceptions orthographiques, ce qui sollicite une mémoire précise des associations.
- Stabilisation des formes orthographiques : Contrairement à la lecture, où la cartographie orthographique facilite la reconnaissance rapide, l’écriture requiert une stabilisation des formes pour éviter les erreurs. Les élèves doivent mémoriser des formes exactes de mots, incluant les lettres muettes et les doublements de consonnes, pour écrire correctement sans s’appuyer uniquement sur la prononciation.
- Renforcement de la mémoire visuelle : La cartographie orthographique en écriture fait appel à la mémoire visuelle, donnant aux élèves l’occasion de se souvenir de la forme globale des mots. Les cartes d’encodage, en particulier, renforcent cette mémorisation visuelle en offrant une pratique répétée et systématique des séquences orthographiques.
Share (1995, 2004, cité par Hipfner-Boucher et Chen, 2024) affirme que le processus de « self-teaching » (apprentissage autodirigé) est central dans l’acquisition de la lecture et de l’orthographe chez les élèves. Une fois exposées et exposés aux règles phonologiques, les élèves doivent s’exercer de manière autonome pour intégrer ces règles, puis apprendre à lire et à écrire de nouveaux mots automatiquement. Cette notion d’autoapprentissage souligne l’importance d’utiliser la cartographie orthographique et des outils de pratique répétitive, comme les cartes d’encodage. Ce genre d’activité peut également être réalisé à partir de jeux de mots numériques et des applications que les élèves peuvent utiliser à l’école et à la maison. L’approche AlphaGraphe travaille ces particularités liées à la lecture et à l’écriture, y compris la calligraphie.
L’influence de la cartographie orthographique et de l’automatisation des correspondances graphèmes-phonèmes

Les études de Miles et Ehri (2019, cités dans Hipfner-Boucher et Chen, 2024) et de Perfetti (2007, cité dans Hipfner-Boucher et Chen, 2024) montrent que la qualité lexicaleQualité lexicale : la richesse et précision des connaissances d’un individu au sujet d’un mot, y compris sa forme orthographique (comment il est écrit), sa forme phonologique (comment il est prononcé), sa signification et ses usages. et la capacité à associer correctement les sons aux lettres influencent la lecture et la compréhension de textes chez les élèves. L’automatisation des correspondances graphèmes-phonèmes, au moyen de stratégies explicites, améliore la rapidité d’identification des mots et la fluidité en lecture, un processus facilité par la cartographie orthographique.
Pour que cette fluidité se traduise également en écriture, la grammaire joue un rôle essentiel. En grammaire traditionnelle, enseigner les règles de base, comme les accords et les structures de phrases, aide les élèves à construire des phrases correctes et cohérentes. Par exemple, l’apprentissage explicite des accords (sujet-verbe, adjectif-nom) stabilise les séquences orthographiques dans des contextes variés.
Grammaire traditionnelle | Grammaire nouvelle |
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La grammaire traditionnelle se concentre sur les règles formelles de la langue, en structurant l’apprentissage autour de notions fixes et universelles, comme :
Elle suit un enseignement explicite et systématique, visant la maîtrise des règles et des normes pour produire des phrases correctes sur le plan grammatical. Cette approche est souvent basée sur des exercices de répétition, des analyses de phrases et des applications des règles pour solidifier les compétences de base en orthographe et en syntaxe. | La grammaire nouvelle, apparue avec les réformes pédagogiques, se veut plus contextuelle et fonctionnelle. Elle met l’accent sur la compréhension et l’usage de la langue en contexte, en permettant aux élèves d’explorer la grammaire comme un moyen de communiquer de manière efficace. Ses caractéristiques incluent :
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En somme, la grammaire traditionnelle est centrée sur l’acquisition de règles fixes pour produire des phrases correctes, tandis que la grammaire nouvelle pousse les élèves à comprendre le rôle des choix grammaticaux dans la communication et à utiliser la langue de manière réfléchie et adaptée au contexte. Ces deux approches se complètent : la grammaire traditionnelle fournit une base de règles, tandis que la grammaire nouvelle développe une compétence plus intuitive et contextuelle de la langue.
La grammaire nouvelle renforce cette maîtrise en encourageant une analyse plus contextuelle et dynamique de la langue. En intégrant des activités où les élèves manipulent des phrases pour observer la manière dont des changements grammaticaux (ajout de connecteurs, inversion sujet-verbe, etc.) influencent le sens, les enseignantes et enseignants les aident à comprendre les règles en action. Les ressources du Centre franco, comme Si on parlait grammaire nouvelle, proposent des exemples d’activités d’analyse grammaticale qui soutiennent l’orthographe tout en développant une compréhension plus intuitive de la langue.
Un tel équilibre entre la cartographie orthographique, la grammaire traditionnelle et la grammaire nouvelle donne aux élèves des outils multiples pour écrire avec précision et fluidité, en adaptant leur choix linguistique aux différents contextes d’écriture.
La stratégie lexicale ou logographique

La mémorisation des mots fréquents et irréguliers est essentielle pour le développement des habiletés et compétences orthographiques. Contrairement aux mots réguliers qui respectent des régularités orthographiques, de nombreux mots en français, comme monsieur, femme ou beaucoup, sont imprévisibles phonétiquement et ne se prononcent pas comme ils s’écrivent. Ces mots doivent donc être appris et mémorisés de manière visuelle et orthographique, car les règles phonologiques classiques ne s’appliquent pas efficacement. Il s’agit alors d’approfondir les notions axées sur l’acquisition et l’enrichissement du vocabulaire (par exemple, la formation des mots et les relations sémantiques).
Les recherches montrent que la mémorisation des mots irréguliers repose sur une exposition fréquente et répétée à ces mots dans divers contextes. Apel (2011, cité par Hipfner-Boucher et Chen, 2024) explique que l’apprentissage des mots irréguliers implique la formation de connexions entre l’orthographe, la prononciation et la signification du mot, ce qui aide les élèves à les reconnaître et à les écrire avec plus d’aisance. Les élèves mémorisent ces mots en utilisant des indices orthographiques et phonologiques, même lorsque certaines correspondances graphèmes-phonèmes sont irrégulières. Ce processus, appelé cartographie orthographique, favorise une reconnaissance plus efficace et durable des mots en lecture et en écriture.
Voici un exemple de référentiel de mots irréguliers à télécharger (Word).
Source : Role. (s.d). Traitement logographique.
La mémorisation des mots fréquents

Les mots fréquents, tels que maison, tout et jour, doivent être rapidement reconnus et orthographiés correctement afin de ne pas ralentir la lecture ou l’écriture. La mémorisation de ces mots est essentielle pour améliorer la fluidité de la lecture, puisque ceux-ci constituent une grande partie des textes. Ehri (2014, cité par Hipfner-Boucher et Chen, 2024) souligne que leur apprentissage repose sur un processus de cartographie orthographique, où les élèves établissent des liens entre l’orthographe du mot, sa prononciation et sa signification. Les élèves encodent ces mots en tenant compte des correspondances graphèmes-phonèmes, même pour les mots irréguliers, en intégrant progressivement leur orthographe dans la mémoire à long terme.
Le rôle de la répétition dans la mémorisation des mots irréguliers

Les recherches de Cunningham, Nathan et Schmidt Raher (2010, cités dans Hipfner-Boucher et Chen, 2024) et de Share (2004, cité dans Hipfner-Boucher et Chen, 2024) montrent que la répétition est un facteur clé pour la mémorisation des mots irréguliers. Les élèves doivent être exposées et exposés à ces mots de manière répétitive au cours d’activités variées, comme la dictée et les jeux de mots, afin de renforcer leur mémoire visuelle. La répétition contribue à ancrer ces mots dans la mémoire à long terme et à développer une reconnaissance automatique qui ne nécessite moins de réflexion consciente à chaque occurrence du mot.
La stratégie analogique
La stratégie analogique consiste à comparer des mots connus avec de nouveaux mots pour repérer des similitudes orthographiques. Ce processus aide les élèves à reconnaître des régularités et des motifs dans l’orthographe, surtout lorsque la correspondance entre les sons et les lettres est moins évidente. Grâce à cette stratégie, les élèves peuvent déduire l’orthographe de mots inconnus en s’appuyant sur des mots familiers du même champ lexical, ce qui réduit leur charge cognitive pendant la lecture et l’écriture.
Pour approfondir cette stratégie, l’approche plurilingue peut être utilisée pour encourager les élèves à mobiliser leurs connaissances dans d’autres langues. En valorisant l’ensemble des langues parlées par les élèves, cette approche renforce la conscience linguistique générale et facilite le transfert de compétences d’une langue à l’autre. Par exemple, les mots cognatsMots cognats : mots issus de langues différentes qui partagent une origine étymologique commune et présentent des similitudes dans leur forme et leur sens. Par exemple, les mots « nation » en français et « nation » en anglais sont des cognats. (comme education en anglais et éducation en français) peuvent servir de ponts linguistiques, aidant les élèves à établir des liens entre le français et l’anglais.
Les activités interlinguales renforcent cette approche par des exercices ciblés où les élèves comparent des mots ou des structures entre les langues. Par exemple :
- Comparer les racines et préfixes communs : les élèves peuvent explorer des mots ayant des racines similaires entre le français et l’anglais pour observer les similitudes et les différences dans leur orthographe et leur usage.
- Correspondances phonologiques et orthographiques : proposer des exercices où les élèves identifient des sons similaires avec des graphies différentes, comme le son /ʃ/ (écrit ch en français, comme dans chaise, et sh en anglais, comme dans sheep).
- Listes de mots cognats : en créant des listes de mots communs, comme nation en anglais et nation en français, les élèves reconnaissent les ressemblances et divergences dans les orthographes et significations, ce qui les aide à anticiper l’orthographe de nouveaux mots en français.
Cette combinaison de la stratégie analogique, de l’approche plurilingue et des activités interlinguales offre aux élèves un cadre riche et dynamique pour renforcer leur maîtrise de l’orthographe et leur compréhension des liens entre langues.
Les analogies entre les mots pour aider les élèves à développer leur cartographie orthographique et à améliorer leur fluidité en orthographe

Ehri (2014, cité dans Hipfner-Boucher et Chen, 2024) explique que la cartographie orthographique, qui associe le segment écrit (lettres, mots) à la prononciation (sons) et à la signification, se développe en partie grâce aux analogies que les élèves font avec et entre les mots. Lorsqu’une ou un élève, par exemple, sait écrire le mot cheval, elle ou il peut utiliser cette connaissance pour orthographier d’autres mots ayant des segments similaires, comme cheveu ou chevron. De même, si elle ou il connaît le mot chanson, elle ou il peut inférer que le son /ʃã/ dans champignon s’écrira de manière similaire. Il importe toutefois de progresser des analogies simples vers les plus complexes.
Cette stratégie repose sur la reconnaissance des régularités orthographiesRégularités orthographies : un modèle ou ensemble de règles qui guide l’écriture des mots dans une langue. Il peut s’agir de schémas de formation de mots, de règles de conjugaison, d’accents ou de l’utilisation de certaines lettres. En d’autres termes, c’est un cadre qui aide à respecter les normes orthographiques d’une langue donnée. dans les mots, ce qui aide les élèves à réinvestir leurs connaissances d’un mot à un autre. L’analogie orthographique est un outil puissant pour combler les lacunes de la mémoire, puisque les élèves associent les régularités d’un mot connu à un nouveau mot à orthographier.
La stratégie analogique est particulièrement bénéfique pour les élèves ayant des difficultés à mémoriser des mots entiers. En reconnaissant des patrons communs dans les mots connus, elles et ils peuvent anticiper plus facilement l’orthographe de nouveaux mots, ce qui améliore leur fluidité orthographique.
La stratégie morphologique

L’enseignement de la morphologie joue un rôle clé dans l’apprentissage de l’orthographe. Cette stratégie se concentre sur la découverte des affixes, soit des préfixesPréfixes : les petits groupes de lettres que l’on ajoute au début d’un mot pour en changer le sens., des suffixesSuffixes : les petits groupes de lettres que l’on ajoute à la fin d’un mot pour en modifier le sens ou la fonction grammaticale. et d’autres affixes à la racine des mots, et offre aux élèves des outils concrets pour décomposer les mots complexes et mieux comprendre leur structure. L’objectif est d’amener les élèves à voir les mots non pas comme des entités fixes et isolées, mais comme des unités morphologiquesUnités morphologiques : les plus petites portions de langue qui ont une signification. Cela comprend les morphèmes qui sont les éléments constitutifs des mots. Un morphème peut être un mot entier (comme chat) ou une partie d’un mot (comme le préfixe re- dans refaire ou le suffixe -tion dans formation). Les unités morphologiques permettent d’analyser la structure des mots et de comprendre leur formation et leur signification. qui peuvent être manipulées et décomposées.
Cette stratégie ne s’arrête pas à l’analyse des mots courants, mais s’étend à la capacité des élèves à générer des mots nouveaux en utilisant des morphèmes qu’elles et ils connaissent déjà. Une ou un élève, par exemple, qui connaît le mot prévoir peut comprendre et orthographier prévisible ou imprévisible en appliquant des règles morphologiques.

En pratique, l’élève travaille la morphologie lexicale (dérivationnelle) et la morphologie grammaticale (flexionnelle) qui contribuent au progrès de l’orthographe.
En ce sens, la morphologie lexicale, soit la formation des mots par l’ajout d’affixes (préfixes, suffixes ou autres affixes) à une racine lexicale, s’apprend par :
- la connaissance des préfixes et des suffixes afin que les élèves puissent anticiper la manière dont un mot est écrit et éviter des erreurs courantes (par exemple, si l’élève qui sait que le préfixe « in » signifie « non » pourra reconnaître la distinction entre inconnu et connu);
- l’identification des radicaux, car la racine d’un mot aide à mieux comprendre son orthographe (par exemple, si l’élève qui sait écrire le mot compatible saura probablement écrire correctement incompatibilité; l’élève saura également déduire que le mot recevoir appartient au même champ lexical, à la base de mots comme réception ou recevable).
Quant à la morphologie grammaticale, cette forme de morphologie se rapporte aux modifications apportées aux mots (comme les conjugaisons des verbes, les accords en genre et en nombre des adjectifs et des noms). La conscience de la morphologie grammaticale contribue à l’orthographe de différentes manières, soit par :
- la conjugaison des verbes afin que l’élève comprenne la conjugaison des verbes en fonction du temps, du mode et de la personne pour écrire correctement les formes verbales (par exemple, savoir conjuguer le verbe aimer correctement « j’aime, tu aimes, il/elle aime… » améliore l’orthographe);
- l’accord des adjectifs et des noms, car la morphologie grammaticale inclut les règles d’accord des adjectifs et des noms en genre (masculin ou féminin) et en nombre (singulier ou pluriel). La compréhension de ces règles est cruciale pour éviter les fautes d’accord.
L’enseignement de la morphologie

Des études ont démontré les avantages d’un enseignement explicite de la morphologie pour les élèves, notamment celles et ceux ayant des difficultés d’apprentissage. Le programme Morpho+ (Chapleau, 2019), qui se concentre sur la conscience morphologiqueConscience morphologique : la capacité de reconnaître et de comprendre les morphèmes, c’est-à-dire les plus petites unités de sens dans un mot, comme les préfixes, les suffixes ou les racines. Elle permet aux locutrices et locuteurs de comprendre la façon dont les mots sont construits et la façon dont on peut les modifier pour en changer le sens., a pour but d’apprendre aux élèves à reconnaître les morphèmes pour mieux décoder et encoder les mots. Les élèves qui ont pu bénéficier ou participer au programme Morpho+, en particulier celles et ceux ayant des difficultés d’apprentissage, ont montré des améliorations notables dans la production des mots et dans la lecture après l’implémentation de cette approche.
L’étude de Chapleau (2013) souligne que les élèves ayant des difficultés spécifiques en lecture et en écriture peuvent améliorer leur capacité à comprendre et à produire des mots complexes grâce à des programmes axés sur la morphologie. Ce type d’intervention orthopédagogique favorise l’appropriation des règles sous-jacentes à l’orthographe, ce qui aide les élèves à aborder les mots irréguliers avec plus de confiance.
La Trousse de progression des apprentissages langagiers en français de l’Ontario (MED) présente le développement de l’écriture sur le plan morphologique. Il est aussi intéressant de consulter Enseignement inclusif de la littératie de la maternelle à la 3e année qui porte sur l’éveil à la lecture et l’écriture et est tiré du site TA@l’école.
L’enseignement plurilingue de la grammaire, tel que proposé dans la ressource L’enseignement plurilingue de la grammaire, sert à aller plus loin en intégrant des connaissances issues de différentes langues. Cette approche aide les élèves à voir la morphologie comme un ensemble de règles flexibles et partagées entre les langues. Par exemple, des mots ayant des racines communes dans plusieurs langues (comme nation en français et nation en anglais) aident les élèves à repérer des motifs morphologiques communs.
Activité à consulter : « Des mots doux, des mots qu’on aime »
Inspirée des approches plurilingues, cette activité engage les élèves de la maternelle à la 3e année dans une exploration des mots et de leurs significations émotionnelles à travers plusieurs langues. Les élèves choisissent des mots qu’elles et ils aiment en français et dans d’autres langues (par exemple, paix en français et peace en anglais) pour observer des similitudes morphologiques et phonétiques. Cette activité développe la conscience morphologique tout en valorisant la diversité linguistique et en renforçant leur capacité à reconnaître des régularités morphologiques entre les langues.

Des mots doux, des mots qu’on aime
La compréhension de la structure des mots pour aider les élèves à améliorer leur orthographe et à mieux maîtriser la langue écrite

Les travaux de Seymour (1997) soulignent que la morphologie est essentielle au développement orthographique et que l’orthographe implique la compréhension de la structure des mots, plutôt que la simple mémorisation. Comme mentionné plus haut, les élèves peuvent utiliser la racine des mots, les préfixes et les suffixes pour établir des liens entre les mots connus et ceux à apprendre, comme la racine port- pour orthographier transporter, déporté ou importation. De plus, des recherches, comme celles de Sprenger-Charolles, montrent que la fréquence et la constance des correspondances graphèmes-phonèmes sont cruciales pour le développement de l’orthographe chez les jeunes apprenantes et apprenants. Il est donc important que le personnel enseignant expose régulièrement les élèves aux morphèmes courants pour automatiser leur compréhension et leur production orthographique.
La stratégie orthographique

La stratégie orthographique se distingue de la stratégie lexicale par son objectif principal : garantir une reproduction fidèle et précise de l’orthographe des mots en écriture. Tandis que la stratégie lexicale aide les élèves à reconnaître immédiatement les mots irréguliers pour faciliter la lecture, la stratégie orthographique va au-delà en s’appuyant sur la mémorisation visuelle active pour que les élèves puissent retrouver et reproduire ces mots de façon correcte et stable dans leurs écrits.
L’étude de Sprenger-Charolles (2017) montre que cette approche aide les élèves à construire un lexique orthographique mental stable, qui est particulièrement utile pour les mots dont l’orthographe ne suit pas les correspondances phonologiques typiques, comme femme ou monsieur. Dans le contexte de la stratégie orthographique, les élèves ne se contentent pas de reconnaître ces mots visuellement : elles et ils s’entraînent activement à mémoriser leur forme exacte, de sorte à pouvoir les écrire sans hésitation, même sans analyse phonétique.
Cette mémorisation active est essentielle pour deux raisons :
- La précision en écriture : en se familiarisant avec les formes exactes des mots, les élèves développent une assurance dans la production écrite, ce qui réduit les erreurs causées par l’incohérence entre son et orthographe.
- L’autonomie orthographique : les élèves apprennent à retrouver et à appliquer les formes orthographiques correctes de façon autonome, sans appui phonologique, pour éviter les erreurs d’orthographe qui pourraient survenir si ces mots n’étaient pas solidement ancrés en mémoire.
En d’autres termes, alors que la stratégie lexicale simplifie la reconnaissance de mots lors de la lecture, la stratégie orthographique est spécifiquement conçue pour stabiliser l’écriture de mots irréguliers. Les élèves développent une compétence unique en appliquant de façon fiable et répétée la forme orthographique de mots complexes, renforçant ainsi leur précision et confiance en production écrite.
Selon le Réseau canadien de recherche sur le langage et l’alphabétisation (2009), l’enseignement explicite du principe alphabétique peut se manifester comme suit :
- introduire graduellement de nouvelles correspondances graphèmes-phonèmes et de nouvelles habiletés métaphonologiques;
- commencer par des correspondances simples (par exemple, « a » = /a/);
- progresser vers des correspondances plus complexes :
- des graphèmes simples représentant des sons comme « ch » ou « ou »,
- des graphèmes complexes comme « ille », « oi », « y », « hu ».
En salle de classe, il convient :
- d’établir des routines d’enseignement pour améliorer l’efficacité du décodage des correspondances graphème-phonème des élèves;
- de pratiquer l’orthographe inventée (par exemple, « sak » pour « sac »), qui est bénéfique pour les jeunes enfants (habituellement en maternelle);
- de travailler le mur de mots en fournissant aux élèves de nombreuses occasions de s’entraîner à utiliser les relations graphèmes-phonèmes nouvellement acquises dans des mots, des phrases, des textes;
- de mettre en place un mur de sons où les élèves peuvent regrouper des graphèmes similaires, écouter des mots contenant ces sons et manipuler des étiquettes pour renforcer leur compréhension des correspondances graphèmes-phonèmes.
- d’inviter les élèves à s’exercer à utiliser les lettres apprises pour représenter les phonèmes de la langue d’enseignement en la comparant à la langue maternelle.
Une fois que les élèves ont établi un lien entre les lettres et les phonèmes, elles et ils devraient commencer à apprendre l’orthographe conventionnelle (en première ou en deuxième année).
Améliorer l’orthographe des mots qui ne suivent pas les règles classiques de la langue

L’importance de la stratégie orthographique, comme le montre également l’étude de Mather et Jaffe (2021, cités dans Hipfner-Boucher et Chen, 2024), réside dans sa capacité à traiter les mots irréguliers qui échappent aux règles classiques de la langue. Le personnel enseignant doit donc encourager les élèves à développer leur mémoire visuelle au moyen d’activités répétitives et interactives, telles que les dictées visuelles, la copie de mots et l’analyse des modèles orthographiques. Par exemple, l’utilisation d’applications numériques permet de créer des cartes mémoires interactives où les élèves peuvent associer des mots difficiles à des images ou à des indices visuels. Ces exercices aident les élèves à renforcer leur reconnaissance des mots en les exposant de façon répétée à ces formes visuelles complexes.
L’impact de l’apprentissage précoce de l’orthographe sur les compétences linguistiques

L’orthographe se développe progressivement chez les élèves et nécessite une approche structurée dès la maternelle. Les élèves commencent par se familiariser avec les sons (phonèmes) et les lettres (graphèmes) afin d’établir les bases du principe alphabétique au moyen d’activités de conscience phonologique. L’objectif est que les élèves acquièrent une solide connaissance des correspondances graphèmes-phonèmes (CGP). En première année, elles et ils apprennent les régularités orthographiques et commencent à écrire des mots fréquents. L’introduction à des concepts plus complexes, comme les morphèmes, les aide à comprendre la structure des mots, tout en tenant compte des règles grammaticales et des exceptions.
Un tableau de progression peut servir d’outil pour suivre le développement des compétences en écriture. Ce tableau peut comprendre des critères tels que :
- la maîtrise de la structure des phrases;
- l’utilisation des outils grammaticaux;
- l’enrichissement du vocabulaire;
- la cohérence et la clarté des idées.
Façons de travailler l’écriture avec des outils numériques :
Utiliser des référentiels et outils numériques :
- Intégrer des référentiels numériques adaptés au contexte pour guider les élèves dans le processus d’écriture et enrichir leurs connaissances lexicales.
Développer l’orthographe et le vocabulaire :
Rédiger et communiquer efficacement :
- Travailler en collaboration à l’aide de documents partagés pour pratiquer la communication écrite avec un vocabulaire adapté.
- Utiliser des logiciels de communication pour échanger en français correct et adapter son style selon le contexte.
Rechercher et organiser l’information :
- Faire des recherches en ligne en utilisant des mots-clés (une liste peut être fournie) pour développer des compétences de recherche.
- Analyser et comparer des mots de langues différentes parlées en classe ou dans la communauté, avec des tableaux de comparaison pour explorer les similarités linguistiques.
Produire et exprimer ses idées :
- Créer des histoires à partir de déclencheurs d’écriture et exprimer des opinions sur des sujets d’intérêt avec des outils de communication.
- Utiliser des logiciels de traitement de texte pour rédiger des courriels et créer des graphiques, renforçant ainsi les compétences d’écriture fonctionnelle.
Les méthodes ludiques et collaboratives pour un apprentissage de l’orthographe et de la grammaire motivant et engageant

L’intégration du jeu dans l’enseignement de l’orthographe rend l’apprentissage plus motivant pour les élèves. Des méthodes, comme la dictée zéro faute et la phrase dictée du jour, transforment l’orthographe en défi et valorisent les progrès grâce à des corrections actives et à une approche progressive des nouvelles règles. L’écriture collaborative donne également aux élèves l’occasion d’échanger des stratégies et de se corriger mutuellement, ce qui favorise un apprentissage interactif. Enfin, une marche à suivre active de découverte en grammaire encourage l’exploration inductive des règles au moyen d’activités ludiques, ce qui rend l’apprentissage plus concret et agréable pour les élèves.
Conclusion
L’enseignement de l’orthographe doit s’appuyer sur une approche systématique et progressive qui aide les élèves à maîtriser les différentes composantes de l’écriture. En intégrant des stratégies variées, le personnel enseignant peut répondre aux besoins individuels des élèves, tout en renforçant leur autonomie et leur plaisir d’apprendre. Ces stratégies guident les élèves dans les complexités de l’orthographe à l’aide de méthodes ludiques et interactives qui les motivent à persévérer.